ALCAÏS

Eté 2024

 

Yves Alcaïs, à ma demande, ouvre son atelier à l’association ‘’Les Amis du Salon d’automne’’. Une quinzaine d’artistes et amateurs se déplacent à Bagnolet, ce 29 juin 2024.

Yves, aujourd’hui octogénaire, est un ami de longue date de ma famille, grâce à la rencontre avec son épouse Mary une anglaise délicieuse. En ce samedi d’été, le temps n’est pas de la partie mais nous passons toutefois la journée dehors entre son parasol, son atelier et sa mezzanine : il a acquis ce lieu, un ancien hangar à pommes de terre, en 1986.

Quand une artiste photographe demande à Alcaïs de dire ce qu’il crée comme art, il répond :

 - « Qu’est-ce que vous voulez savoir ? Vous êtes, vous aussi des artistes, je n’ai rien à vous apprendre... »

- « Explique-nous ce que tu fais, comment tu le fais... »

- « Alors dans ce cas, posez-moi des questions, ça sera plus simple. »

Yves Alcaïs décrit son style de peinture comme une peinture méditative, le résumant par cette phrase : « Faut que la peinture parte du ventre et (re)monte à la tête. » Yves Alcaïs a bien connu le fondateur de notre association ‘’les Amis du Salon d’Automne’’, Edouard Mac’Avoy, et souligne son élégance et sa générosité. « J’étais souvent invité à sa table. » Nous ressentons l’hommage sincère à cette figure qui a profondément influencé son parcours artistique.

Dans son jardin puis dans son atelier, Yves ouvre des cartons entiers de gravures pour nous initier à la technique complexe de la gravure au carborundum, apprise à l’Académie d’Henri Goetz, son inventeur. Avec enthousiasme, il nous explique comment ce procédé innovant, au carbure de silicium, enrichit ses estampes de textures uniques, en métamorphosant le métal.

Je reviens à sa peinture. Son style de peinture est principalement associé à l'abstraction lyrique. Je connais ses horizons, ses taches et préfère lui demander :

- « Qu’est-ce qui t’inspire ?

- « Ce n’est pas moi qui commande… Je laisse aller, je regarde de temps en temps et j’attends qu’elle (la toile) m’accepte… C’est quelque chose qui m’inspire… C’est ma façon d’exister… Je retape mes tableaux de temps en temps… Je revois tout ça. »

 - « Chaque tableau, chaque lumière… Ça doit marcher à chaque lumière. »

- « Tu vois ce tableau ? Il paraît terne, mais un autre jour, il sera lumineux… 

Chaque tableau est différent à chaque lumière…C’est une couche qui va s’allumer.

Ce n’est jamais pareil même si c’est la même couleur. »

Quant à sa collection d’art Africain, Alcaïs nous dit y trouver une source inépuisable d'inspiration. Il considère que les masques et sculptures africains « explorent la beauté, la laideur et l'extraordinaire avec une intensité captivante. »

Avec la photographie, il est proche de la nature et parle du temps : il nous présente ses rosiers de Dornas qu’il capte de leur floraison jusqu’à leur mort. Il nous parle de ses vignes de Bagnolet dont il mit jadis du vin en bouteilles sous le nom ‘’Le Clos Mona Lisa’’ !

En fin de rencontre, une autre artiste lui demande : mais pourquoi ce nom sur votre porte ‘’le Clos Mona Lisa’’ ?

- « C’est la spiritualité même... J’ai failli tomber dans les pommes la première fois que j’ai vu ce tableau. Avec quelques traits, ce génie avait une sensibilité extraordinaire. Pendant vingt ans, Léonard (de Vinci) a retouché cette œuvre par couche de peinture et de vernis ».

Alcaïs a reçu les visiteurs avec simplicité, hospitalité, humanité, racontant sa vie, allant jusqu’à confier l’impact de sa vie intime (la maladie de son épouse) sur le tremblement de ses touches de peinture… « Je venais peindre ici pour tenir, pour résister ».

Je suis heureuse que les œuvres de mon vieil ami Yves soient entrées dans des musées français et dans des collections privées européennes, américaines et australiennes.

 

 

Claude MIQUEL